Guyana, Demerara – la base de données

Rum Artesanal Enmore (Versailles) 1994

La Guyana aussi appelée Demerara est probablement le sujet le plus complexe dans le monde du rhum. Je vais partager avec vous mes modestes connaissances en la matière, sans entrer dans le chapitre histoire que d’autres auront fait bien (bien, bien) mieux que moi depuis des années comme par exemple cet article iconique de Barrel-aged-mind qui s’apparente presque à un livre de poche au vu de sa longueur, mais qui est une véritable mine d’informations et de passion.

On va donc se concentrer sur l’ère moderne des rhums de Guyana (disons à partir des années 50-60), ce qui vous permettra d’y voir plus clair dans les embouteillages qu’on croise aujourd’hui. Il y avait au départ pas mal de plantations sucrières/distilleries en Guyana, qui se sont vues fermer leurs portes les unes après les autres. Certains alambics ont été démantelés, d’autres ont déménagé dans différentes distilleries, il est donc assez difficile de s’y retrouver. On va retracer ça de la manière la plus juste possible.

Les dates clés des fermetures de distillerie en Guyana dans « l’ère moderne » :

  • Port Mourant fermeture en 1955
  • La Bonne Intention fermeture en 1960
  • Skeldon fermeture en 1960
  • Blairmont fermeture en 1962
  • Albion fermeture en 1969
  • Versailles fermeture en 1978
  • Enmore fermeture en 1994
  • Uitvlugt fermeture en 1999

La seule distillerie encore en fonction à l’heure d’aujourd’hui en Guyana est Diamond. C’est dans cette distillerie que sont regroupés tous les alambics qui n’ont pas été démantelés. Les cinq alambics étant toujours en service sont les suivants :

  • Les Diamonds #1 & #2 (coffey stills)
    En fonction dans la distillerie Diamond
  • Le Port Mourant (pot still)
    En fonction dans la distillerie Port Mourant jusque 1955
    En fonction dans la distillerie Albion de 1955 à 1969
    En fonction dans la distillerie Uitvlugt de 1969 à 1999
    En fonction depuis 2000 dans la distillerie Diamond
  • Le Savalle (four-column still)
    En fonction dans la distillerie Uitvlugt jusque 1999
    En fonction depuis 2000 dans la distillerie Diamond
  • Le Versailles (wooden pot still)
    En fonction dans la distillerie Versailles jusque 1967-68
    En fonction dans la distillerie Enmore de 1967-68 à 1994
    En fonction dans la distillerie Uitvlugt de 1995 à 1999
    En fonction depuis 2000 dans la distillerie Diamond
  • Le Enmore (wooden coffey still)
    En fonction dans la distillerie Enmore jusque 1994
    En fonction dans la distillerie Uitvlugt de 1995 à 1999
    En fonction depuis 2000 dans la distillerie Diamond

    Il y a aussi quelques alambics plus récents en activité chez Diamond :
  • Le Diamond high ester (pot still)
  • Le Diamond #3 (coffey still)
  • Le MPRS (column still)

    Il y aurait aussi eu un alambic « Tri-Canada » installé dans les années ’80 mais qui n’aurait plus vraiment d’utilité car remplacé par les nouveaux.

C’est déjà une vue d’ensemble qui vous permettra d’y voir un peu plus clair -exemple avec un embouteillage au hasard-
[SBS Enmore 1994 : On sait donc qu’en 1994 il y avait deux alambics dans la distillerie Enmore, le rhum provient donc soit de l’alambic Versailles soit de l’alambic Enmore. La suite de la dissection ci-dessous].

Autre indicateur qui va nous permettre d’y voir un peu plus clair : les marks. Même chose, je vous fais ici un résumé de mes connaissances concernant le sujet, ce n’est donc en rien une liste officielle et il en manque très certainement…

S<W> (alambic Diamond)
SVW (alambic Diamond)
<W> (alambic Diamond)
<SV> (alambic Diamond)
SSN (alambic Diamond)
DHE (alambic Diamond high ester)

ELCR (alambic Enmore)
EHP (alambic Enmore)
EHE (alambic Enmore)
MD (alambic Enmore)
VNL (alambic Enmore)

AW (alambic Port Mourant)
PM (alambic Port Mourant)
PDW (alambic Port Mourant)
MP (alambic Port Mourant)
UPM (alambic Port Mourant)
GM (alambic Port Mourant)

ICBU (alambic Savalle)
UDS (alambic Savalle)
SVL (alambic Savalle)
GS (alambic Savalle)
B (alambic Savalle)
ULR (alambic Savalle)

VSG (alambic Versailles)
REV (alambic Versailles)
KFM (alambic Versailles)
AWM (alambic Versailles)
SXG (alambic Versailles)
XPD (alambic Versailles)
MDX (alambic Versailles)
MDXC (alambic Versailles)
MEC (alambic Versailles)

LBI (alambic à distillation continue avec trop peu de précisions pour les anciens, alambic Savalle pour les LBI modernes)
AN (alambic Enmore sans certitude pour les anciens, alambic Savalle pour les Albion modernes)
SWR (alambic Coffey mais trop peu de précisions pour les anciens, alambic Savalle pour les Skeldon modernes)

Blackadder Port Mourant 1975

[Continuons avec l’exemple SBS Enmore 1994 : Le mark REV apparait sur l’étiquette, la conclusion est donc qu’il provient de l’alambic Versailles dans la distillerie Enmore. C’est d’ailleurs le cas de tous les Enmore 1994 sortis à ce jour].

Il est important de parler des deux derniers marks de la liste, AN et SWR que l’on a vu revenir ces dernières années avec des embouteillages comme les El Dorado Albion 2004, Skeldon 2000, SBS Skeldon 1997, SBS Skeldon 2001 et j’en passe, ceux-ci intéressent à la fois les investisseurs qui voient ce que vaut un Skeldon 73 aujourd’hui et ceux qui n’ont jamais eu la chance (comme moi) de le goûter, et pourtant… ces rhums possèdent les mêmes marks que ce que je vais appeler anciens Albion et Skeldon, ceux embouteillés par Velier dans les fameuses bouteilles noires, cependant ils sont une reproduction du style car ils ne proviennent pas des mêmes alambics que ces anciens. C’est une pratique courante chez DDL puisque les anciens Velier Albion et Skeldon sont eux aussi des répliques de ce qui se faisait à l’époque dans les deux distilleries respectives, qui étaient déjà fermées depuis des années quand les célèbres jus en question ont été distillés. Autre phénomène assez proche avec les LBI et AW modernes : LBI signifiant La Bonne Intention, reproduction du style de ce qu’on faisait à l’époque avec l’alambic Savalle. Pour les AW, ils sont très vite associés à Albion, pour la simple raison que le Albion 1986 de Velier portait ce mark et a donc été également conçu par l’alambic Port Mourant. C’est cependant le seul Albion de la série à venir de cet alambic.

J’ai regroupé un maximum de marks, sans pour autant y intégrer les marks de broker (Main Rum, qui commencent eux par la lettre M) à l’exception de MEC, MDX et MDXC car je ne sais pas à quoi ils correspondent en mark DDL.
Si vous êtes embouteilleur, cette liste de mark ne correspondra certainement pas à votre mark de broker (exemple mark broker MER = REV distillerie Enmore, MDK = KFM distillerie Diamond,…), n’hésitez pas à m’envoyer un message si vous souhaitez en discuter.

Petite astuce supplémentaire, si vous voyez par exemple sur une étiquette le mot Enmore avec un millésime plus récent que son année de fermeture, cela signifie que c’est l’alambic qui a été utilisé pour ce rhum.
Exemple avec le Silver Seal Enmore 2002, même si nous n’avons aucune information sur l’étiquette la seule explication plausible est qu’il ait été distillé par l’alambic Enmore chez Diamond.
La réflexion est la même pour les autres alambics, Port Mourant étant l’exemple le plus flagrant puisque la distillerie a fermé ses portes en 1955.

Attention tout de même, la Guyana étant un sujet tellement complexe il n’est pas rare de croiser une erreur dans un maillon de la chaine qui va se répercuter sur l’étiquette, mon exemple n’est pas choisi au hasard il vous suffira de jeter un oeil de plus près sur l’étiquette de ce Silver Seal Enmore 2002 pour y lire « distilled at Enmore distillery » alors que la distillerie était fermée depuis déjà une poignée d’années à la date ou le jus a été distillé. Je pense aussi à ce superbe Wild Parrot Guyana 94 (REV) pour lequel l’étiquette spécifie « from EN still », ce qui suggère lourdement que l’alambic Enmore est à l’origine de ce rhum, il porte pourtant le mark REV comme tous les autres Enmore 1994 sortis à ce jour, mark qui nous raconte quant à lui que le rhum provient de l’alambic Versailles. On aura donc pas le fin mot de l’histoire, mais mon avis personnel est que l’étiquette est également erronée!
Ceci dit, je veux bien plus d’étiquettes erronées si c’est pour avoir des jus d’une telle qualité. (humour)

Silver Seal Enmore 2002
Wild Parrot Guyana 1994

Alors maintenant comment utiliser toutes ces informations? Le papier c’est bien, mais tout va se passer dans votre verre. Il faut goûter, trouver ses préférences. Mais comme vous le savez certainement, le monde cruel du rhum ne vous laissera pas toujours l’occasion de goûter un rhum avant de prendre la décision de l’acheter ou non. C’est pourquoi j’espère que cette page pourra vous aider.

Toutes les informations que je vous partage ici proviennent de ce que j’ai recueillit et lu ces dernières années sur différentes sources comme Barrel-aged-mind, Singlecaskrum, Durhum, Cocktailwonk…
Au plus on plonge loin dans les années concernant le sujet Guyana, au plus la part de mystère s’étend, des incertitudes apparaissent, des informations et dates se contredisent d’une version à une autre, mais à mon sens cette part d’inconnu contribue au charme de notre passion.

J’essayerai de garder cette page à jour et l’alimenterai au fin du temps avec les nouvelles informations qu’on obtiendra, je vous invite à découvrir la liste des rhums de Guyana que j’ai testés juste ici.

4 réflexions au sujet de « Guyana, Demerara – la base de données »

  1. Ping : Hampden – la base de données | Tasting Bro's

  2. Merci pour les explications, c’est beaucoup plus clair. Il y aura toujours une part de mystère quand ce n’est pas précisé, mais en tous cas je suis armé pour comprendre les étiquettes !

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